Faire de l’égalité filles-garçons un objectif transversal

Dans le cadre du projet « Capitaliser les savoirs pour favoriser l’accès des femmes à la citoyenneté », le travail en commun entre les diverses structures impliquées a permis de réfléchir à des leviers d’action pour favoriser la présence des filles dans l’espace public.

 

1. Faire de l’égalité filles-garçons un objectif professionnel transversal

L’égalité filles-garçons fait consensus parmi la plupart des professionnel-le-s, mais elle n’est pas systématiquement inscrite dans leurs objectifs d’action. Cette situation ne permet pas d’avoir une lecture claire de la pertinence des moyens mis en oeuvre et des résultats obtenus. Elle ne permet pas non plus d’intégrer la formation à l’égalité filles-garçons dans le parcours professionnel. De ce fait, les éducateurs peuvent manquer d’outils pour intégrer efficacement l’objectif de l’égalité filles-garçons dans leurs pratiques.

 

2. Intégrer la mixité aux objectifs de l’égalité filles-garçons

Devant la constitution « naturelle » de groupes non-mixtes, il est utile que les équipes éducatives énoncent la mixité comme principe des activités mises en place ; et pour que ce principe devienne un réel levier de changement, il est important de prendre conscience des éléments suivants :

– le travail de médiation (communication, explication) auprès des jeunes, filles et garçons, est primordial pour créer des groupes mixtes. De plus, si les équipes éducatives sont elles-mêmes mixtes, le message est susceptible d’être mieux reçu, car les jeunes sont toujours très sensibles à la cohérence des adultes et à la conformité entre les mots et les actes ;

– la tentation de la facilité est un écueil à éviter si l’on veut renforcer la mixité filles-garçons. En effet, si, avant 12 ans, la mixité pose peu de problèmes, ensuite, les groupes non-mixtes sont souvent plus simples à gérer. À l’adolescence, quand des jeux de séduction se mettent en place entre les jeunes et que les attentes ne sont pas les mêmes de part et d’autre, les éducateurs se retrouvent à devoir intervenir dans un climat tendu. Les intervenants peuvent alors laisser perdurer la logique de la non-mixité pour éviter les tensions. Ces moments pourraient pourtant être investis pour mener un dialogue sur le consentement et le respect de l’autre, et construire ainsi un climat plus serein et sécurisant ;

– parfois, la volonté de favoriser la présence des filles dans les structures municipales entraîne la mise en place d’activités dites « féminines », sans réflexion sur le sens et les effets de la reproduction sexuée des activités de loisirs ; 

– les schémas de la division sexuée de l’espace se reproduisent parfois à travers l’appellation des activités. Une réflexion critique à ce sujet est nécessaire. Il est par exemple assez courant de continuer à parler des activités de 16h comme de « L’heure des mamans » parce que la formulation est connue et ancrée dans les esprits.

 

3. Au travail avec les jeunes, articuler un travail avec les familles

Un nombre non-négligeable de parents sont en demande d’un cadre éducatif avec des professionnel-le-s de confiance, tout particulièrement pour leurs filles. Certains ont peur de la mixité qu’ils assimilent à la “débauche”. Au coeur de cette peur, se trouve la question de la virginité et de l’interdit sexuel.

Par ailleurs, certains parents craignent un mariage éventuel avec des garçons d’une autre communauté. Il est utile que les éducateurs prennent le temps d’expliquer aux parents le projet éducatif de leurs structures et de construire avec eux une relation de confiance basée sur une communication active et une compréhension partagée des bienfaits des activités collectives et des séjours de vacances dans le développement des adolescents, y compris des filles.

Pour y parvenir, plusieurs points sont à prendre en compte :

– La relation de confiance avec les parents s’établit aussi en prenant en compte leurs craintes et en construisant des espaces protecteurs pour les filles, à savoir des espaces régis par des règles de respect entre les jeunes, filles et garçons. Quand la relation de confiance existe, les parents confient plus facilement leurs filles aux éducateurs, même pour des activités mixtes. Mais il convient de nourrir cette confiance en permanence, notamment au passage de l’enfance à l’adolescence, moment où les parents renforcent la surveillance sur les activités de leurs filles.

– Le travail sur le long terme avec les parents permet de réfléchir au rôle de l’égalité et de la liberté dans la protection des filles contre les violences. Ainsi, il est important d’expliciter comment la liberté amène les filles à mieux connaître leur propre valeur, alors que l’absence d’éducation sexuelle et de liberté entrave la conscience qu’elles peuvent avoir de leurs droits. Savoir que leur corps leur appartient et que personne n’a le droit d’attenter à leur intégrité physique est un facteur de protection pour les filles. De même, lorsqu’une fille apprend à maîtriser l’espace public et à y circuler librement, son expérience la rend moins vulnérable au danger (harcèlement, agressions, etc.). Les éducateurs sont bien placés pour faire percevoir les acquis de cette maîtrise aux filles et à leurs parents.

 

4. Déconstruire les clichés sexistes et transformer les mentalités

Depuis des siècles, dans la plupart des sociétés, les femmes sont infériorisées par rapport aux hommes. Aujourd’hui encore, la faible présence des femmes dans les instances dirigeantes suffit à illustrer la perpétuation des inégalités de sexe. Les mentalités sont certes difficiles à transformer, mais il est possible de les faire évoluer par un travail quotidien auprès des parents et des jeunes.

Pour optimiser ce travail, les éléments suivants doivent être pris en compte :

– Il est nécessaire de travailler avec les parents, en particulier les pères, pour parvenir à étendre la liberté des filles. L’un des enjeux réside dans une répartition plus équilibrée des tâches domestiques. Actuellement, 80% de ces tâches sont assumées par les femmes. Cette inégalité a des conséquences évidentes sur le temps libre des femmes et de leurs filles.

– Avec les jeunes, il est utile d’inscrire ce travail sur la déconstruction des représentations sexuées dans un travail sur l’autonomie pour leur permettre de se penser comme des sujets propres, indépendants du regard et du jugement des autres. Plus les jeunes sont autonomes, moins ils sont sensibles aux normes sexistes et plus ils peuvent y résister.

– Quant aux professionnel-le-s, il est essentiel de veiller à ne pas renforcer les clichés sexistes par un traitement différencié des garçons et des filles. Certains professionnel-le-s soulignent par exemple qu’il peut leur arriver de rappeler à l’ordre une fille dont ils jugent le comportement trop masculin. Or, si le comportement incriminé pose problème dans la vie du groupe, c’est uniquement sur la base du respect et du vivre-ensemble que la jeune doit être interpelée.

 

5. Distinguer la religion de son instrumentalisation

Les professionnel-le-s constatent que la religion sert souvent à justifier le sexisme et la discrimination envers les filles.

Pour rendre évidente cette manipulation, il est essentiel de :

– distinguer la pratique d’une religion de son instrumentalisation à des fins idéologiques et politiques. Cette distinction se fonde notamment sur l’affirmation de l’existence d’une diversité d’interprétation au sein d’une même communauté religieuse et la séparation des domaines de la loi et de la foi, condition nécessaire à la citoyenneté démocratique qui autorise toute personne à exercer sa foi tout en ayant des droits issus des lois démocratiques communes ;

– approfondir les actions éducatives sur l’égalité femmes-hommes en s’appuyant sur les principes laïques tels que la séparation du religieux et du politique, la primauté du politique sur le religieux, la liberté de conscience, l’égalité de traitement.