Discriminations multicritères/multifactorielles/fondées sur le genre et l’origine ethnique

Ces concepts, qui tentent de cerner le cumul de discriminations subi par les femmes issues des immigrations, voient le jour dans les années 2000, avec la mise en œuvre, au niveau de l’Union européenne, d’une législation visant la lutte contre les discriminations. La notion de « genre » y désigne les rôles, les comportements, les activités et les attributions qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et pour les hommes (Convention d’Istanbul). Les stéréotypes de genre renvoient, quant à eux, aux préjugés qui fixent des rôles sexués et légitiment les inégalités de sexe, le sexisme et l’homophobie. Le genre se veut un outil d’analyse des rapports sociaux de sexe.

Double discrimination (liée au sexe et à l’origine)

Ce concept voit le jour dans les années 1990, lorsque la question de la lutte contre les discriminations devient visible au sein des politiques publiques en Europe, y compris en France. Le concept de double discrimination vise à rendre compte du fait que « Les femmes, toutes les femmes, sont en raison de leur sexe biologique particulièrement et spécifiquement vulnérable au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée. » (F. Gaspard, Lutter conjointement contre le sexisme et le racisme, 2001).

Intersectionnalité/approche intersectionnelle

C’est à la fin des années 1980, après les débats autour du Black féminisme (1960-1970), que le concept d’intersectionnalité apparaît dans les universités américaines. Cette approche voulait mettre en lumière, dans les discriminations et les violences subies par les femmes noires, l’intersection entre le sexisme et le racisme.

Rappelons que les débats féministes ont toujours posé la question de la différence de conditions et de positions des femmes (relative aux classes sociales et aux appartenances nationales, ethniques, culturelles et cultuelles, orientations sexuelles). D’où la diversité des courants au sein du mouvement féministe. Dès les années 1970, Collette Guillaumin réfléchit sur le croisement du sexisme et du racisme (1). Elle démontre comment ces phénomènes ne se situent pas dans un rapport à un Autre réel, mais dans la construction symbolique de la différence à travers l’idée de nature. Elle analyse ainsi la formation de groupes racisés et sexisés comme un élément servant au groupe majoritaire pour s’auto-identifier, se proclamer supérieur et asseoir le rapport de domination. Ces logiques opèrent, comme le souligne Guillaumin, par le dispositif formel et informel de la désindividualisation : les individus sont assignés à l’identité du groupe.

Cependant, avec le développement diversifié de l’approche intersectionnelle, l’emploi du terme « racisé » va prendre d’autres acceptions. Le concept d’intersectionnalité connaît, en effet, un élargissement de sens. Initialement, il désigne l’imbrication des dominations liées à la classe sociale, au sexe et à la « race ». Puis, il accueille des développements théoriques qui emploient le terme « racisé » pour mettre l’accent sur l’articulation des identités/inégalités, dues à l’intersection des systèmes de domination (classe, race et sexe). Dans cette optique, les rapports nord-sud et les relations entre les Occidentaux et les autres (notamment les immigré·es) sont analysés comme des déclinaisons de la suprématie des « blancs ». À partir de là, la perspective universaliste des droits humains, qui fonde les valeurs démocratiques, paraît comme une vision gommant la diversité et les singularités des peuples et des groupes non-occidentaux au profit de la suprématie des blancs. Dans la même lancée, le féminisme dit occidental se voit considéré comme le représentant des femmes blanches de classe moyenne dont les revendications ne tiennent pas compte des intérêts des femmes appartenant aux peuples, aux classes et aux groupes dominés. Soulignons que cette interprétation n’est pas partagée par toutes celles et ceux qui adoptent l’approche intersectionnelle.

(1)

Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir : l'idée de nature, Éditions iXe, 2016 [1992].