Certains courants qui font de la religion une doctrine politique, souvent investis d’un esprit communautariste, propagent le rejet des valeurs démocratiques, parmi lesquelles : l’égalité de sexe et la liberté des femmes. Dans leur rappel à l’ordre autoritaire patriarcal idéologico-religieux, ces courants (islamistes, intégristes chrétiens, juifs ou hindous…) incriminent l’autonomie des femmes, les droits sexuels et la mixité femmes-hommes comme étant les causes de la dislocation de la famille et de la perversion individuelle et collective. En contexte de crise socioéconomique et politique, leurs propagandes, relayées par les mouvements politiques conservateurs, trouvent un terrain favorable et progressent. De sorte que les phénomènes que l’on désigne sous l’expression « radicalisation religieuse » renseignent en réalité sur des faits essentiellement politiques. Ils alertent sur des évolutions dont il faut tenir compte dans l’analyse des situations rencontrées.

De leur côté, les courants racistes favorisent les communautarismes, là aussi au détriment des droits des femmes. Ainsi, le racisme antimusulman prétend qu’être musulman·e serait incompatible avec le respect des droits démocratiques ; il confond sciemment une croyance et une doctrine islamiste qui vise l’instauration de la religion comme idéologie de l’État et source de la Loi. Ce genre de confusion, qui veut exclure les musulman·es, profite en premier lieu aux courants islamistes qui ambitionnent de passer pour les représentants de tout·es les musulman·es.

Dans ce contexte, l’image de « la femme musulmane » est sujet de manipulation à la fois de la part des islamistes et des racistes antimusulmans. Par exemple, les activités pro-islamistes vont de pair avec des propagandes associant l’image de la « bonne épouse », de la « bonne mère » et des femmes de « bonnes mœurs » au port du voile. Le port du voile se voit alors affirmé comme une obligation islamique, alors qu’il existe à ce propos différentes positions parmi les musulman·es et les savants islamiques, et que le Coran n’en fait pas une obligation. La stratégie islamiste d’imposer, comme un principe, le port du voile aux femmes musulmanes s’inscrit dans la perspective déjà évoquée d’une société où la religion serait l’idéologie de l’État et la source de la Loi. Il en résulte une légitimation des inégalités de sexe (notamment par l’autorisation de la polygamie et de la répudiation), de l’infériorisation des droits des femmes (y compris dans l’héritage) et de l’annihilation de leur autonomie (dont la liberté de mouvement) au nom de l’intérêt de la famille. Dans ce cadre, le voile des femmes est censé représenter une délimitation entre les sexes, qui s’accompagne de toute une série de conduites. Ainsi, en associant port du voile et pudeur féminine, les propagandes islamistes stigmatisent les femmes « non-voilées » comme impudiques. En présentant le port du voile comme un principe islamique, elles accusent la loi sur la laïcité qui interdit le port ostentatoire de signes religieux et tout prosélytisme à l’école publique d’être une politique anti-islamique. Celles et ceux qui manifestent du racisme antimusulman s’appuient, pour leur part, sur ces discours pour argumenter qu’être musulman·e engendre des obligations en contradiction avec les codes culturels dits français. Pourtant, en dehors des discours islamistes et racistes, la réalité des femmes dites musulmanes en France est très variée, et cela est aussi valable pour le port du voile : un nombre important de femmes dites musulmanes ne se voilent pas ; et celles qui portent le voile ne le font pas toutes pour les mêmes raisons.

Le rôle joué par les propagandes islamistes doit être pris en compte dans l’analyse des situations rencontrées par les actrices et acteurs sociaux. Dans les relations d’accueil et d’accompagnement, il est important que ces situations fassent l’objet d’une analyse concrète qui s’intéresse aux conséquences de tel ou tel choix sur la vie individuelle et sociale.