Dans le cadre du projet « Capitaliser les savoirs pour favoriser l’accès des femmes à la citoyenneté », le travail en commun entre les diverses structures impliquées a permis de réfléchir à des leviers d’action pour favoriser l’accès ou le retour des femmes à l’emploi.
1. Prendre en compte l’impact des inégalités et travailler sur l’estime de soi des femmes accompagnées
Lorsque les inégalités sexuées croisent les fractures sociales et territoriales, elles peuvent peser lourdement sur la capacité des femmes à se mobiliser. En effet, les femmes les plus précarisées ont souvent une mauvaise image d’elles-mêmes et un déficit d’estime de soi. Les difficultés et l’impossibilité à les résoudre, souvent depuis plusieurs années, leur renvoient un sentiment d’impuissance qui les dévalorise. Elles perdent confiance dans leurs capacités. Or ce manque de confiance et d’estime de soi constitue un obstacle important à leur insertion professionnelle.
Il est donc nécessaire de mettre en place des actions qui, sans viser la recherche immédiate d’un emploi, permettent aux femmes d’acquérir une certaine confiance, d’être suffisamment à l’aise avec elles-mêmes et les autres pour prendre contact avec des employeurs et se présenter à des entretiens d’embauche.
2. S’emparer de la laïcité pour contrer les effets des communautarismes
Les actrices et acteurs locaux sont confrontés à une articulation de faits cultuels et culturels dont la complexité finit par faire obstacle à l’égalité, à la liberté et à l’autonomie des femmes. Ainsi, le développement du communautarisme et des extrémismes politico-religieux entraîne toute une série de revendications contraignantes en matière d’interdits et de prescriptions, mettant à mal le vivre-ensemble, mais aussi l’accès des femmes à l’emploi. Le recours à de prétendus codes religieux est utilisé pour justifier le contrôle sur les femmes, restreindre leur liberté, les empêcher de prendre leurs propres décisions, voire justifier des violences.
Le travail sur la laïcité est une voie permettant de décrypter ces situations et de mettre au jour l’instrumentalisation religieuse à des fins de contrôle et de domination. Pour anticiper les situations de blocage ou de confusion, ce travail doit aussi être mené au titre de la prévention.
3. Prendre conscience des stéréotypes en oeuvre dans l’orientation professionnelle
Il va de soi que les professionnel-le-s de l’orientation et de l’emploi ne peuvent connaître tous les métiers. Il arrive donc qu’ils orientent les femmes vers des métiers connus et convenus, reproduisant ainsi la division sexuée du travail. La mise à distance de leurs représentations et la formation à l’analyse critique des stéréotypes sexués sont nécessaires.
Pour parvenir à une orientation professionnelle qui favorise une plus grande autonomie des femmes et leur promotion sociale, celle-ci doit partir de leur potentiel individuel et de leurs motivations.
4. Elargir les choix professionnels des femmes
Les métiers dits « féminins » sont peu rémunérateurs. Ils s’exercent souvent dans le cadre de temps partiels et à de faibles taux horaires. Or le temps partiel crée des travailleuses pauvres, qui seront plus tard des retraitées pauvres. L’un des enjeux est de parvenir à ce que la période d’activité soit rémunératrice, et donc de faire découvrir aux femmes d’autres métiers, accessibles à tous, qui permettent d’avoir des temps pleins et de meilleurs salaires.
5. Penser des modes de garde alternatifs
Pour que les femmes puissent répondre aux actions mises en place pour faciliter leur accès ou leur retour à l’emploi, il est utile, voire nécessaire, d’intégrer la question des modes de garde des enfants dans la conception des actions qui leur sont proposées.
Parmi les modes de garde alternatifs, les structures pensent parfois à :
– prévoir un accueil des enfants pendant la formation ou le suivi des femmes en recherche d’emploi. Cette solution est facilitante sur le court terme, mais ne règle pas la question sur le moyen ou long terme. En effet, en cas d’accès ou de retour à l’emploi, les femmes concernées devront trouver un mode de garde pérenne ;
– instaurer des crèches ouvertes à des heures atypiques. Il en existe une dans le 7e arrondissement de Lyon, qui accueille des enfants habitant d’autres quartiers. Plus globalement, la Ville de Lyon favorise les familles monoparentales pour les admissions en crèche. Le temps de trajet jusqu’à la crèche reste néanmoins un obstacle pour certaines femmes ;
– passer par des relais assistantes maternelles. Les places en crèche étant difficiles à obtenir et le positionnement d’employeur vis-à-vis d’un-e assistant-e maternel-le n’étant pas toujours simple à assumer, l’accueil collectif proposé par les relais assistantes maternelles (Ram) peut en partie résoudre les difficultés. Il peut être intéressant de prendre le temps de développer ces relais. Les relais assistantes maternelles sont des lieux d’information, de rencontre et d’échange au service des parents, des assistant-e-s maternel-le-s et des professionnel-le-s de la petite enfance.
Outre la mise en place de structures d’accueil et de dispositifs de garde, il faut aussi travailler sur les significations et les implications de la garde des enfants par des personnes étrangères à la famille. La question du détachement momentané entre l’enfant et la mère est à la fois celle d’un éloignement affectif et un enjeu socio-culturel (la peur d’être jugée comme une « mauvaise mère » et de “faillir à sa vocation”).
6. Soutenir la mobilité des femmes
Diverses initiatives peuvent concourir à faciliter la liberté de circulation des femmes :
– l’aide à passer le permis de conduire (cette aide est souvent destinée à un large public, mais certaines structures, conscientes des problèmes de mobilité des femmes, accordent une attention particulière à leur participation) ;
– l’apprentissage d’autres moyens de transport. Des villes comme Lyon ou Paris ont mis en place des vélos municipaux, à faible coût de location, voire gratuits. Pour que les femmes, les plus jeunes notamment, s’emparent de ces moyens, des structures mettent en place des écoles de vélo ;
– l’explication du fonctionnement et le repérage des différents transports en commun ;
– les réductions tarifaires.
7. Mutualiser les méthodes d’action
Certaines structures travaillent depuis de longues années à l’insertion professionnelle des femmes des quartiers prioritaires. Elles ont appris à mobiliser les femmes et à les rendre actrices de leur propre insertion à l’aide de divers outils de médiation. Pour démultiplier les effets positifs de ces démarches, l’un des enjeux réside dans la mutualisation des savoir-faire et des méthodes d’action.