Faire vivre la mixité dans la pratique des activités

Trois structures interrogées lors de l’enquête terrain sur dix ont fait remarquer que la mixité dans les activités ne suffit pas. Depuis toujours, les filles et les garçons se côtoient au quotidien, mais cela n’est pas garant de l’égalité femmes-hommes. Il faut en plus de cela travailler au cœur même de la pratique culturelle ou sportive pour lutter contre les stéréotypes et favoriser une meilleure culture commune de l’égalité. Si une attention doit être portée sur l’équilibre entre le nombre de filles et de garçons dans le groupe, la plupart des moniteur-rices jeunesse ont peu de prise sur ce point, qui se joue lors des inscriptions. En revanche les dix structures interrogées avaient toutes mis en place certains modes de fonctionnement au sein des ateliers et séances de sport.

L’organisation de l’activité, la répartition des tâches, l’écoute et la gestion de la participation

Une animatrice d’activités artistiques au sein de plusieurs écoles en ZEP nous a partagé la difficulté lors de la constitution des groupes. L’élan naturel des enfants est de se mettre ensemble, voire de demander à être entre filles ou entre garçons. Elle doit constamment insister pour que les groupes soient mixtes et tenir cette règle toute au long de l’année. Une bonne pratique autour de la mixité tient également à la répartition de la parole. Quatre structures sur dix ont affirmé que les filles sont plus timides que les garçons et prennent moins souvent la parole, alors que les garçons ont tendance à s’exprimer dès la première séance. Egalement les filles peuvent avoir tendance à se mettre en retrait lors de conflits d’opinion, alors que les garçons vont plus chercher à s’imposer. Dans le cadre des pratiques sportives pour jeunes migrant-e-s, il faut prendre en compte les capacités/difficultés de chacun et chacune à socialiser et à interagir, en fonction de son parcours personnel. L’équilibre entre filles-garçons est également en jeu dans la distribution des tâches autour de l’activité sportive ou culturel (rangement, installation matériel, distribution de feuilles, etc.). Un animateur d’un centre Paris Anim a partagé le fait que les filles aident plus spontanément les intervenant-e-s. Afin de garantir un équilibre dans cette répartition des tâches, trois structures ont officialisé une alternance fille/garçon. Cinq ont répondu qu’ils veillaient à cet équilibre et à le rappeler régulièrement aux jeunes. Enfin deux structures ont comme bonne pratique de demander aux filles et aux garçons de faire des tâches à l’encontre des stéréotypes afin de bousculer les idées reçues en désignant les volontaires (les filles doivent porter le matériel, les garçons sont en charge de l’appel, du silence et du calme du groupe). Une structure a parfois fait face à des garçons qui refusaient de faire le ménage de la salle, arguant qu’ils ne savaient pas le faire. Ce type de situation est un bon moment pour parler de stéréotypes de genre.

Le choix des sujets

Les structures interrogées qui organisaient des activités artistiques d’art plastiques ont mentionné plusieurs bonnes pratiques autour du choix des sujets de travail :
  • Partir d’activités neutres autour de tableaux abstraits (Van Gogh, Picasso) avant de passer sur des sujets figuratifs plus genrés.
  • Choisir les sujets collectivement pour avoir un consensus.
  • Présenter des travaux de femmes artistes pour valoriser leurs parcours et le matrimoine.
  • Déconstruire les stéréotypes lors de l’analyse des œuvres étudiées.
Un animateur en langue et culture anglaise organise aussi des discussions et débats sur des femmes célèbres afin de favoriser la participation des filles du groupe.

Dans les façons d’évaluer ou de compter les points

Une bonne pratique très intéressante partagée par trois structures lors des entretiens pour favoriser la mixité et le vivre-ensemble filles-garçons est de changer les règles classiques de comptage de point ou de notation de l’activité. Ainsi dans le cadre de la pratique sportive, l’association Kabubu fait des matchs lors desquels les points (par exemple d’un panier en basketball) sont comptés si tous les membres de l’équipe (filles et garçons) ont touché la balle. De la même façon, l’animatrice d’un centre de loisirs ne valide une création artistique lors d’un atelier d’arts plastiques que si tout le monde a participé au projet. Des points peuvent être retirés si des enfants sont mis à la marge. Ainsi les jeunes veillent d’eux-mêmes et d’elles-mêmes à la participation de toutes et tous. Au fur et à mesure des séances, cela devient spontané car les compétences et l’apport de chacun-e sont reconnus.

L’instauration d’un cadre sécurisant

Une bonne pratique pour instaurer un cadre sécurisant est de parler dès les premières séances des règles de vivre-ensemble dans l’association, notamment les principes d’égalité fille-garçon, de respect mutuel et de l’égale importance des avis. Deux associations sportives lient cela avec la nature et les valeurs même du sport, en rappelant les valeurs de respect, de travail d’équipe, d’accomplissement de soi et de soutien dans la pratique. Une animatrice rappelle aux participant-e-s que le sport est une question de technique, de maitrise, d’entrainement, de persévérance, et non de force brute, au-delà des stéréotypes véhiculés sur le masculin et le féminin. Les sports collectifs peuvent également être organisés avec des équipes mixtes. Enfin la personne répondant pour un centre de vacances a insisté sur le fait d’avoir conscience de ce qui se joue également sur les réseaux sociaux. En effet, les relations entre jeunes se poursuivent sur internet, avec parfois des dynamiques négatives de harcèlement ou de partages non consentis de photos. Pour éviter cela, en plus d’un discours de prévention, auprès des jeunes et des encadrant-e-s, cette structure demande aux participant-e-s de déposer leurs téléphones portables en soirée dans une boite spéciale. Ces situations sont partagées par une autre structure qui organise des activités autour de la citoyenneté et qui préconise d’organiser très tôt des séances d’éducation aux médias et au droit à l’image.

Pour aller plus loin : Pour les professionnel-le-s, de nombreuses ressources sur le sujet sont disponible sur le site https://www.stop-cybersexisme.com/ du Centre Hubertine Auclert

La gestion des incidents

Toutes les structures ont souligné l’importance de reprendre immédiatement les remarques à caractère sexistes qui peuvent être lancées dans les activités. Si jamais le-la jeune participant-e ne change pas d’attitude, un rendez-vous est pris avec les parents. Cela peut aller jusqu’à l’exclusion du jeune. Une structure a partagé le fait qu’après un premier entretien, la personne incriminée s’excuse souvent et revient dans le groupe. Dans le cadre des ateliers sur la langue et la culture anglaise, l’animateur a organisé, quelques temps après l’incident, des jeux de rôles afin de permettre aux participant-e-s de prendre conscience et de mesurer la portée des insultes et du harcèlement Enfin, le directeur d’activités périscolaires d’une école parisienne organise spécifiquement des ateliers sur les religions, afin de mieux connaitre les divers enjeux et déconstruire les idées reçues sur le sujet. Cela permet de résoudre des problèmes lorsque certain-e-s participant-e-s refusent des activités en invoquant des arguments religieux (danse ou piscine par exemple quand on doit se dénuder). Il préconise que ces types d’ateliers soit plus répandus.

L’organisation de temps de sensibilisations

Lors de l’enquête, huit structures sur dix ont recommandé fortement de faire des séances de sensibilisation à l’égalité femmes-hommes auprès des jeunes qui fréquentent leurs activités. Ces sensibilisations peuvent prendre plusieurs formes :
  • Des séances pour les jeunes, de préférence dès 12 ans, bien qu’une personne interrogée préconise de faire cela au plus tôt dans le parcours de socialisation de l’enfant.
  • Des séances auprès des parents, afin de les impliquer dans la promotion d’une culture commune de l’égalité.
  • Des séances réalisées par des partenaires extérieurs, dont la parole est écoutée d’une autre manière que celle de l’intervenant-e habituel-le.
  • Des expositions sur les lieux de socialisation et d’activités des jeunes. C’est ce que fait un centre d’animation parisien, qui note à chaque fois le grand intérêt des personnes pour ces évènements, notamment les expositions photos et dessins sur le harcèlement.
  • Un travail de sensibilisation autour de l’outil du respectomètre, afin d’amener à une prise de conscience des stéréotypes de genre et des nombreux lieux où  ceux-ci peuvent constituer une violence.

Pour aller plus loin : Le respectomètre est un outil réalisé par la Ville de Paris et disponible via le lien suivant https://www.paris.fr/pages/droits-des-femmes-parlons-egalite-16840