Contrôle des filles et restriction de leur liberté

Les constats partagés par les acteurs de terrain s’inscrivent dans une situation globale d’inégalité entre les femmes et les hommes. Certains éléments de cette inégalité expliquent en partie l’absence des filles dans l’espace public ou les séjours mixtes.

 

1. Domination masculine et représentations sexuées

En dépit de l’évolution positive de l’accès des femmes aux droits sociaux et politiques, elles rencontrent encore de multiples obstacles sur leur chemin, notamment en termes d’accès aux droits citoyens. Leur image a longtemps été restreinte à leur lien avec la famille et l’espace privé (quand bien même, dans la réalité, on les retrouvait dans les champs ou à l’usine). La construction de cette image de la femme vouée à l’espace privé servait les intérêts de la traditionnelle famille patriarcale, dirigée par le père ou l’époux, seul chef de famille légitime. Ce modèle patriarcal se retrouve dans de très nombreuses sociétés à travers le monde. Il va de pair avec la responsabilité économique qui reposerait uniquement sur ce père de famille. Là encore, malgré la participation active des femmes au budget familial et le nombre important des femmes chefs de famille, ces représentations semblent se perpétuer.

La reproduction de ces images sexistes (nourries et renforcées par la méconnaissance de l’histoire des femmes) sert avant tout à maintenir les femmes à l’écart de la vie citoyenne, sociale et politique. Il faut en être conscient et apprendre à se méfier des évidences que l’on admet sans chercher à les interroger ni à les confronter à des éléments de savoir qui demeurent encore trop souvent entre les mains des seuls spécialistes.

 

2. Les filles ont moins de temps libre que les garçons

Dans ce contexte global, il n’est guère étonnant qu’aujourd’hui encore la répartition des tâches domestiques reste très fortement déséquilibrée. Les femmes en assument près de 80%. Les filles sont elles aussi bien plus fortement impliquées par leur famille dans ces tâches que les garçons. De même, il leur incombe fréquemment de tenir un rôle parental auprès de la fratrie. De ce fait, elles ont moins de temps libre et donc moins de temps à consacrer aux loisirs que les garçons.

 

3. Le harcèlement de rue et le poids des rumeurs entravent leur liberté de circulation

Les dernières statisitiques nationales indiquent que 100% des femmes et des filles ont été victimes de harcèlement dans l’espace public. Cette pression constante peut les amener à restreindre leurs sorties, et ce d’autant plus que leur présence dans l’espace public est souvent considérée comme illégitime.

En effet, si elle n’est pas justifiée par des raisons scolaires, professionnelles ou familiales, elle peut porter atteinte à leur bonne réputation.

Or, dans certains quartiers, cette mauvaise réputation les met en danger, car elle est perçue, par certains garçons, comme une autorisation à violenter les filles.

 

4. Les filles et les garçons subissent de manière différenciée le contrôle parental et le contrôle du quartier

Certains parents exercent un contrôle plus strict sur les fréquentations et les actions des filles que sur celles des garçons. Ce contrôle se fonde sur la crainte de la rumeur et du déshonneur de la famille, ce dernier reposant sur les filles et plus précisément sur la préservation de leur bonne réputation, autrement dit de leur virginité. Dans certains quartiers, quand les parents relâchent leur contrôle sur les filles, certains groupes les rappellent à l’ordre. Ce double contrôle incite les filles à esquiver ou à quitter leur quartier pour « échapper » au contrôle et pouvoir fréquenter qui bon leur semble.

Pour que les quartiers ne soient pas désertés par les filles, un enjeu s’impose : faire en sorte que les quartiers soient aussi des lieux de liberté pour elles.

 

5. Le prétexte de la religion durcit le contrôle sur les filles

Les éducateurs constatent de plus en plus que certains jeunes se servent de la religion pour exercer un contrôle sur d’autres jeunes, en particulier sur les filles. Celles-ci sont vivement incitées à se soumettre à certains codes vestimentaires et à une certaine forme de non-mixité. Leur bonne réputation, et donc leur intégrité, en dépendent.

En adoptant ces codes, les filles peuvent réussir à échapper au contrôle de leur environnement. Cependant, cette situation de faux-semblants et de non-dits les isole et, de ce fait, les surexpose aux violences.

 

6. Les bandes de filles aussi sont excluantes

Les bandes de filles questionnent souvent les éducateurs, notamment quant à l’adoption de codes agressifs, voire violents. Pour s’opposer au contrôle de la famille et des groupes du quartier, ainsi qu’aux représentations stéréotypées des femmes, certaines filles vont effectivement trouver une solution radicale : opter pour les codes dits virils et refuser ce qu’on attend d’elles, la patience et la douceur, le travail et le silence. De ce fait, les bandes de filles vont souvent être excluantes envers les filles qui optent pour d’autres stratégies de libération, non à court terme mais à moyen terme, à savoir l’investissement scolaire.

La difficulté de mise en oeuvre de la mixité filles-garçons n’a donc pas nécessairement son pendant dans une intégration plus facile des filles au sein des groupes de filles, notamment lorsque ces groupes deviennent des “bandes” avec leurs propres moyens de contrainte et d’isolement.